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  • Colette et Jean-Paul Deremble

Séance 13, la Résurrection, Pistes de réflexion



La vidéo correspondante


Nous parlons aujourd’hui de la résurrection.

« ressusciter » : ce mot résume la Bonne nouvelle de la Bible toute entière.


· Le mythe de la Création

L’Ancien Testament commence par un texte grandiose, qu’on appelle la Genèse, qui parle de la splendeur de l’univers. Ce grand mythe imagine le déroulement du temps humain sous la forme d’une semaine : « Il y eut un soir, il y eut un matin. Premier jour … Dieu vit que cela était bon ».

Mais dans ce monde magnifique, il y a de l’orgueil, de la violence : le frère est jaloux du frère : Caïn tue Abel.

Depuis des siècles, les sages d’Israël réfléchissent à la manière de sortir de cette violence. Pour eux, la solution c’est d’être humble, de partager ce qu’on est, de prendre sur soi la souffrance des autres.

Et ils espèrent qu’un jour viendra un Messie, un Christ, qui nous conduira vers une vie où on sera libérés de la jalousie qui emprisonne, de l’orgueil qui aveugle.


· Dans l’Ancien Testament, les symboles de la mort et du tombeau ouvert

Parmi toutes ces métaphores (de l’aveuglement, de la surdité, de la paralysie…), ces écrivains utilisent aussi le symbole du sommeil et du tombeau. C’est le cas d’Ezéchiel.

Ézéchiel vit environ six siècles avant notre ère. C’est une époque très difficile : Israël a été envahi par les Babyloniens, qui ont conquis les pays des bords de la Méditerranée et emmené les élites juives en déportation en Mésopotamie. Ézéchiel veut redonner de l’espérance aux déportés.

Il les compare à des défunts dont les ossements auraient été dispersés et enfermés dans des tombeaux : le tombeau est la métaphore du désespoir qui paralyse. Mais, dit Ézéchiel aux déportés, ayez confiance ! Dieu va ouvrir vos tombeaux. Il va vous redonner l’espérance : vous allez retrouver l’énergie de vie :

« Je vais faire entrer en vous l’esprit, et vous vivrez. Je vais mettre sur vous des nerfs, vous couvrir de chair, et vous revêtir de peau ; je vous donnerai l’esprit, et vous vivrez. » (…) l’esprit entra en eux ; ils revinrent à la vie, et ils se mirent debout sur leurs pieds : c’était une armée immense ! Puis Dieu dit : « Ces ossements, c’est tout le peuple d’Israël. Ils pensent: “Nos ossements sont desséchés, notre espérance est détruite, nous sommes perdus !”(… ) Mais, moi, Dieu « Je vais ouvrir vos tombeaux : je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez. » (Ez 37, 1-14)

Ces ossements desséchés, ces tombeaux, il faut donc les entendre au sens figuré : Ézéchiel nous le dit : c’est le manque d’espérance.


· Le Nouveau Testament est écrit dans la continuité de l’Ancien

Les évangélistes sont juifs. Ils appartiennent à la même culture ; ils parlent avec les mêmes symboles. La différence, c’est qu’ils croient qu’il ne faut pas attendre demain pour être libérés de nos peurs. Ils croient que le Messie, le Christ, est là, en nous, que nous avons reçu en partage sa force de vie. On se souvient de saint Paul, qui écrit : « Vous êtes le corps du Christ ».

Pour les évangélistes, c’est aujourd’hui que, si nous le voulons, nous pouvons nous libérer de nos tombeaux intérieurs.

Ils utilisent aussi, comme Ézéchiel et d’autres sages, la métaphore du sommeil, du tombeau. Ils nous proposent de croire qu’il est possible de nous éveiller de nos égoïsmes, que les tombeaux de nos peurs sont ouverts.

C’est en ce sens-là qu’on peut lire le texte fondamental qui termine l’Évangile et récapitule tout le message biblique :

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achètent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus.

De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil.

Elles se disent entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l’entrée du tombeau ? »

Levant les yeux, elles s’aperçoivent que la pierre, qui était pourtant très grande, a été roulée.

En entrant dans le tombeau, elles voient, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc.

Elles sont saisies de frayeur. Mais il leur dit : « N’ayez pas peur ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est réveillé : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé.

Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. C’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » (Mc 16, 1-8).


Ce texte, on peut le lire à la lettre. On peut croire que la pierre matérielle qui fermait le tombeau a été miraculeusement soulevée et que le corps de Jésus a disparu.


· Le sens symbolique du récit de la Résurrection

On peut aussi l’interpréter différemment et penser que, comme le texte de la Genèse ou celui d’Ézéchiel, ce passage est rédigé de manière métaphorique : en effet, il n’y a pas de raison de penser que l’évangéliste Marc, qui connaît intimement les textes de l’Ancien Testament, appartient à la même culture, ne parle pas comme eux.


1. Une nouvelle Création

Le texte de Marc est tissé de symboles qu’on reconnaît bien :

il nous dit qu’on est le premier jour de la semaine, le matin. Ce sont clairement des citations implicites du mythe de la Création. C’est une manière de dire qu’aujourd’hui, c’est le premier jour d’une nouvelle semaine, c’est le matin : nous sommes invités, tous les jours, à un nouveau commencement.

Le soleil qui se lève est aussi un symbole bien connu : dans l’Ancien Testament, c’est la métaphore du Christ (Malachie, 3, 20).


2. Ouvrir les portes de nos tombeaux.

Trois personnes avancent : c’est un chiffre symbolique, qui représente la plénitude de l’humanité.

Ce sont des femmes. Dans les grands textes antiques, les femmes figurent des allégories. Traditionnellement, ce sont les femmes qui sont chargées du deuil dans les civilisations anciennes.

Mais ces rituels ne serviront pas : les Évangiles n’instituent pas des rituels religieux.

Elles se questionnent : « Qui pourra ouvrir les portes du tombeau ? ». C’est une citation d’un texte de l’Ancien Testament, le Livre de Job (Jb 38, 17), où l’écrivain se posait la même question. Cette question, on pourrait la traduire ainsi : qui pourra nous ôter le poids très lourd de nos peurs et de tout ce qui nous enferme ? Pour le comprendre il faut aussi se souvenir du texte d’Ézéchiel, que Marc rappelle ici implicitement.


3. La vraie vie est en nous

Les femmes (l’humanité) constatent que le tombeau, ce symbole de la fermeture intérieure, du manque d’espérance (selon Ézéchiel), est déjà ouvert. C’est cela le message de l’Évangile : nous avons en nous tout ce qu’il faut (le sens du partage, du pardon, le souci des autres…) pour vivre pleinement, c’est-à-dire pour vivre pour les autres.

Pour cela il faut avoir confiance : « N’ayez pas peur ! ». La peur paralyse, enferme, immobilise.


4. Aller en « Galilée »

. Le Christ est réveillé. On a déjà parlé de cette expression : « se réveiller », se « mettre debout » qu’on traduit généralement par « ressusciter ». On la trouve à chaque instant dans l’Évangile : « Éveille-toi ! lève-toi et marche! ». On se souvient de son sens, tellement essentiel : il s’agit de sortir de nos torpeurs, de discerner, de nous engager, de nous mettre en marche.

. Le message nous dit d’aller en « Galilée ». La Galilée, dans l’Ancien Testament, c’est le symbole du « carrefour des nations étrangères », comme le dit aussi le début de l’Evangile (Mt 4, 12) en reprenant Isaïe (Is 8, 23). La Galilée, c’est le monde et ses tensions : il s’agit de risquer notre vie à la rencontre des autres.

. Le Christ, cette force divine d’amour, nous y précède. Il est devant nous : on revient à cette notion de transcendance, dont on a souvent parlé : l’amour inconditionnel est comme un phare qui nous précède de très loin.

Mais il se donne à voir dans le partage de ce qu’on est, dans l’accueil de l’autre, quel qu’il soit. On peut ici se souvenir de ce texte, déjà évoqué (Mt 25), qui disait : chaque fois que vous donnez un verre d’eau à quelqu’un qui a soif, chaque fois que vous accueillez quelqu’un de différent de vous, c’est le Christ lui-même que vous rencontrez.


5. Invités à vivre en ressuscités

Personnellement, je crois à la résurrection en ce sens-là.

Je crois que les tombeaux de nos peurs et de nos égoïsmes sont ouverts.

Je crois à notre éveil à l’amour inconditionnel, même si je sais qu’il nous dépasse radicalement, qu’il nous est transcendant.

Je crois que je le rencontrerai en Galilée, au cœur du monde et de ses difficultés (et il y en a d’immenses aujourd’hui, du réchauffement de la planète à la pollution ou aux différentes formes de violence… !).

Je crois que c’est cela, la bonne nouvelle de l’Évangile, une nouvelle aussi enthousiasmante qu’exigeante : elle fait de nous des êtres confiants, engagés les uns pour les autres, éveillés, ressuscités.

Car ce qui est en jeu, ce n’est pas tellement la survie individuelle de nos corps après la mort, c’est notre vie en ressuscités, aujourd’hui, pour le monde.


Pour cette dernière séance, on pourrait ajouter à nos phrases-trésors : « Lève-toi et marche "», ou bien « Il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez ».


Comme image-titre, nous proposons, comme signe de vie en ressuscité, c’est-à-dire d’une vie de service et d’humilité, le Lavement des pieds, selon Le Tintoret (1539).



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