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  • Colette et Jean-Paul Deremble

séance 12, Donner sa vie. La Cène. (Mc 14, 12-16). Pistes de réflexions sur l’eucharistie

Séance 12. Donner sa vie. La Cène. (Mc 14, 12-16). Pistes de réflexions sur l’eucharistie


La vidéo correspondant à cette séance est sur youtube : https://youtu.be/fAIG7Z6FvNY




Les repas dans l’Évangile

Dans les Évangiles, il y a de très nombreuses scènes de repas.

Il y a notamment cet épisode où le Christ, avant sa mort, invite ses disciples à un repas. Il prend du pain ; il le leur partage en disant : « Prenez et mangez-en tous ; ceci est mon corps. » Puis, il prend une coupe de vin, il la leur donne en disant : « Buvez-en tous : ceci est mon sang ».

Que ce passage est donc étrange ! Comment est-ce qu’on peut donner son corps à manger ? Comment Jésus peut-il dire que le pain est son corps ?


Le symbolisme du pain, du vin et du festin

En réalité, on sait bien que les écrivains de l’Antiquité parlent avec des symboles : on peut comprendre facilement que le pain est une image pour parler de ce qui nourrit notre cœur et notre intelligence, et que le vin, c’est le symbole de la joie.


Quant au repas, c’est aussi un symbole très ancien. Il est utilisé depuis des milliers d’années, par exemple en Mésopotamie. Dans ces civilisations très anciennes, le festin, c’est le propre des dieux, parce qu’on imagine le monde divin comme un monde de bonheur. Et l’image qui a paru la plus adaptée pour parler de ce bonheur infini, c’est un banquet.

On pensait aussi que le monde des dieux ne gardait pas jalousement ce bonheur et pouvait le partager avec certains humains, une petite élite, notamment les souverains, en les invitant à leur festin.

Il faut savoir enfin que, dans l’Antiquité, on ne partage son repas qu’avec des gens de même condition. Inviter quelqu’un à sa table, c’est montrer qu’on le considère comme de même nature que soi.


Ces symboles millénaires sont repris dans l’Ancien Testament

Dans l’Ancien Testament aussi, on utilise le symbole du festin. On lit à plusieurs reprises que Dieu prépare un banquet pour l’humanité.

Par exemple, dans le Livre des Proverbes, on lit ceci :

« La Sagesse a préparé son vin. Déjà, elle a dressé la table. Elle a lancé ses invitations ; elle appelle depuis tous les hauts lieux : Venez et mangez de mon pain ; buvez du vin que j’ai préparé ! Quittez le chemin de la sottise et vous aurez la vie. Dirigez-vous sur les chemins de l’intelligence ! » (Proverbes 9)

Dire que Dieu nous invite à sa table, c’est dire, nous venons d’en parler, qu’Il nous considère comme de même nature que lui, qu’il nous invite à partager cette nature, c’est-à-dire son amour, sa sagesse infinis.


Ce partage est pour aujourd’hui

Qu’est-ce qu’apportent les évangélistes par rapport à ça ?

D’abord, ils croient que l’humanité n’a pas à attendre, pour un avenir lointain, que Dieu nous partage sa Sagesse. C’est fait aujourd’hui. C’est ce que signifie le dernier repas du Christ avec ses disciples. C’est dans cet « aujourd’hui » que réside la spécificité chrétienne.


Nous sommes le corps du Christ

Ensuite, ils disent que ce qui a été partagé lors de ce repas, c’est le corps-même du Christ. Le corps ne désigne pas seulement nos muscles et nos organes : c’est une expression qui désigne tout ce que nous sommes, notre intelligence, notre force de vie, ce qui nous constitue. Ce qui constitue le Christ, c’est sa puissance d’aimer : c’est cela qui nous a été partagé.

Grâce à ce partage, nous sommes le Christ. Saint Paul nous dit : « Vous êtes le corps du Christ ». Dieu n’a pas gardé pour lui sa puissance d’aimer. Nous sommes capables, dès maintenant, d’aimer sans condition. C’est donc une confiance formidable dans la vie, dans l’avenir, que propose l’évangile. Nous pouvons vaincre la violence qui tue le monde.


Une invitation faite à l’humanité toute entière

Les évangélistes nous disent qu’à la table où le Christ partage ce qu’il est, il y a douze personnes : douze c’est un nombre symbolique. Il représente les douze mois de l’année, donc la totalité du temps, la totalité de l’histoire humaine. Dans l’Antiquité, lorsqu’on veut parler de l’univers tout entier, on utilise le nombre douze. Ceux qui sont invités à partager l’amour infini, à l’absorber, à le manger, ne sont pas une petite élite : c’est l’humanité entière.


La liberté humaine

A ce repas, les évangélistes disent aussi qu’il y a quelqu’un d’indigne, qu’ils appellent Judas. Qu’est-ce qu’ils veulent dire par là ? Est-ce qu’il y aurait, d’un côté, un traître, un méchant, et, de l’autre, les bons ? Comme toujours, il faut se rappeler que les textes anciens parlent de manière symbolique : il y a une part, en chacun de nous, qui résiste, une part qui s’appelle Judas, qui n’a pas envie de se tourner radicalement vers les autres. C’est notre part de liberté. On se souvient de la parabole des « deux fils », où on disait que chacun de nous est à la fois celui qui dit oui et celui qui dit non : en chacun de nous il y a une part d’ombre et une part de lumière. Judas, c’est en nous la part de « non ».


Vivre c’est donner sa vie

Le partage de ce que nous sommes, c’est la question de chaque instant. Chaque instant, nous sommes invités à nous donner aux autres, sans compter et sans condition.

Les évangélistes situent juste avant sa mort le repas où le Christ partage à l’humanité sa puissance d’amour inconditionnel. La mort, c’est l’aboutissement de la vie, le moment où on s’en va pour laisser d’autres vivre, où on leur laisse un héritage, où on va jusqu’au bout de ce partage qu’a été notre vie.

Ce que croient les chrétiens c’est que mourir, c’est le moment ultime où nous donnons notre « corps », c’est-à-dire notre puissance d’aimer, puisque c’est ce qui nous caractérise: mourir c’est un banquet où on partage ce qu’on est en profondeur.

On peut imaginer la vie humaine comme une grande course de relais. Chacun fait un bout de chemin, et puis passe le relais : ce relais c’est la force d’amour que chacun de nous reçoit en partage, et qu’il transmet aux autres. La mort de ceux qu’on aime nous apporte, bien sûr, une tristesse gigantesque. Et puis, pour soi-même aussi, c’est dur de mourir. Mais le chrétien croit que la vie ne s’arrête pas pour autant. Chacun de nous a reçu l’énergie d’aimer et il la redistribue à son tour. « Si le grain de blé ne meurt, il ne porte pas de fruit ».

En mourant, on dit aux autres, comme le Christ avant de mourir : « Ceci est mon corps. Prenez et mangez-en tous ».


L’évangéliste Jean fait dire ceci à Jésus avant sa mort : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

Si, un jour, on a à faire le deuil de quelqu’un qui nous est cher, on peut penser à cette phrase, penser à l’énergie vitale que nous avons reçue de lui (ou d’elle), penser que toute sa capacité à donner de la joie aux autres est désormais en nous : à nous de la recevoir et de la faire fructifier.


L’eucharistie

Tout cela, les chrétiens le vivent dans ce qu’ils appellent le repas « eucharistique », même si tous ne l’expriment pas de la même manière. Je vous partage ici la manière dont, personnellement, je le comprends.

Eucharistie signifie rendre grâce, s’émerveiller. On s’émerveille parce qu’on comprend que l’humanité peut sortir du cycle infernal de la violence, qu’elle peut aimer comme Dieu, de manière inconditionnelle. Et cela peut sauver le monde.

Dans ce repas eucharistique, on rappelle les paroles de l’Évangile, où il est dit que le Christ partage son corps, son être, c’est-à-dire le souci de l’autre, la bienveillance, la compassion…

On les entend, ces paroles, on les répète, pas simplement pour s’en souvenir, mais pour dire qu’on y adhère vraiment, qu’on est prêt à recevoir pleinement cette force d’aimer, qu’on est désireux d’être soi-même le corps du Christ et d’agir en conséquence.

Pour moi, c’est cela, la communion : un moment où on dit « oui, je crois que j’ai, effectivement, reçu en partage la puissance d’aimer et je souhaite vivre dans ce sens, même si je sais bien que parfois je dis ‘non’ (car aucun de nous ne dit toujours ‘oui’) ».


Je vous propose aujourd’hui de garder deux phrases dans notre boîte à trésors : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » et : « Ceci est mon corps : prenez et mangez ».


Fresque de Nohant-Vic, 12ème siècle.









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